« Le désert, il m’a été donné de l’aborder un jour par le cœur »

Antoine de Saint-Exupéry

À l’origine...

C’est le cinéma qui m’a incité à regarder au-delà des frontières. C’est lui qui m’a donné la passion pour la vie nomade. J’ai du sang amérindien, du sang africain, du sang européen, du sang arabe ; je suis le résultat de différentes colonisations, diverses migrations, divers mondes parallèles qui se croisent.

Je suis arrivé en France il y a deux ans, motivé par la découverte, par le voyage et par le cinéma. J’ai atterri à Paris, le berceau du cinéma, pour étudier à la fac. J’ai compris, après mon premier hiver, que je voulais aller plus loin ; je ne trouvais pas ma place et je ressentais l’appel de la vie nomade. J’ai donc pris mon sac-à-dos pour entreprendre un long voyage sans destination fixe. Je voulais devenir vent. Je suis parti à la recherche de la liberté que mon esprit turbulent ne trouvait pas en Occident.

Je voulais déambuler par l’Europe, mais quand je suis arrivé au bout du continent et que j’ai vu l’Afrique en face, j’ai compris qu’un certain magnétisme m’attirait vers cette terre. Je me suis souvenu soudainement d’une femme que j’ai vue une fois à la gare Saint-Lazare et qui s’est mise subitement à pleurer quand j’ai croisé son regard. Elle m’a parlé en arabe et quand je lui ai demandé ce qu’elle voulait me dire, elle a disparu dans la foule. En y repensant, je me suis dit que peut-être la réponse m’attendait dans le désert, comme si une partie de moi était de l’autre côté.

Par chance, j’eus l’opportunité d’être invité par l’université de Ceuta à participer à un projet pédagogique pour les réfugiés sahraouis dans le territoire algérien. C’est ainsi que j’ai pu plonger dans le désert jusqu’au bord d’un pays voisin énigmatique pour un premier voyage qui m'a inspiré ce film.

Par delà des frontières

Le peuple sahraoui se trouve disséminé dans le désert. Traditionnellement nomades, peu de cartes indiquent leur distribution dans le territoire du Sahara Occidental. Colonisé pendant un siècle par l’Espagne, le territoire est à présent occupé par le royaume du Maroc. Un mur traverse le pays et le divise en deux : les zones occupées et les zones libérées. Très peu d’informations filtrent sur l’existence de ce mur et les camps des refugiés en Algérie, le pays voisin. C’est là où habite la majeure partie de la population sahraouie depuis 37 ans. De ce fait, on pourrait considérer qu’ils sont divisés en trois. C'est ma propre errance au sein de ce peuple qui a fait naître la nécessité de témoigner leur vision de Liberté.

LA FRONTIÈRE DE L’OUBLI sera un long-métrage documentaire dans lequel le spectateur sera invité à une cérémonie du thé, conduite par trois personnes de différentes générations. Le film sera divisé donc en trois actes comme le pays est divisé ; trois territoires, trois générations, trois thés. Le premier thé, Amer comme la Vie, filmé dans les camps de refugiés, sera présenté par un homme de 45 ans qui a vécu l’exil pendant son enfance et a grandi comme refugié. Le deuxième thé, Sucré comme l’Amour, dans les zones libérées, offert par une femme qui a vécu toute sa vie comme nomade. Et le troisième thé, Doux comme la Mort, dans les zones occupées, servi par un enfant qui rêve de voir son peuple uni dans le futur.

Ce film combat l’oubli et honore la mémoire. Ce trait mouvant que l’on ne peut dessiner. Ainsi disait Marker en Sans Soleil : «J’aurai passé ma vie à m’interroger sur la fonction du souvenir, qui n’est pas le contraire de l’oubli, plutôt son envers. On ne se souvient pas, on récrit la mémoire comme on récrit l’histoire. »

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La frontière de l'oubli

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